piano pleyel de 1875

Bonjour,

Suite à la tempête Ciaran qui a abimé une partie du toit du musée de Dinaou, j'ai commencé à expertiser un objet qui m'est cher et qui a un peu souffert des inondations qui ont suivis le vent: C'est un piano Pleyel sauvé de la déchetterie il y a quelques années et sur lequel je n'avais entrepris aucune réparations si ce n'est de libérer son clavier dont les touches étaient toutes bloquées par leurs plombs d'équilibrage oxydés.
Je ne pense pas que l'eau a condamné cet instrument, mais il a quand même subit quelques dégâts en plus de ceux qu'il avait déjà auparavant.

Donc j'ouvre ce nouveau sujet pour vous montrer la réparation de cet instrument ancien qui va se faire progressivement tout le long de l'année 2024 en fonction de mon temps disponible (ce n'est pas un projet prioritaire).

On va commencer par le commencement en se documentant suivant deux axes:
- l'histoire de ce piano
- les techniques de restauration: les instruments de musique ont besoin de techniques toutes spéciales pour eux. Par exemple: les colles employées ne sont pas les même que pour du travail courant, le travail est souvent plus fin et la restauration doit aussi répondre à deux problèmes majeurs: la structure et l'esthétique du meuble comme en ébénisterie classique mais aussi et surtout les qualités musicales de l'objet ! Bref tout ceci ne s'inventant pas, j'ai cherché le savoir théorique dans des livres spécialisés il y a quelques temps et celui qui a retenu toute mon intention est celui ci:

Cet ouvrage est très bien écrit et traduit, il est facilement compréhensible une fois que l'on a acquis le vocabulaire technique et je pense que c'est un très bon guide si vous êtes comme moi un bricoleur touche à tout mais pas un spécialiste.

C'est parti !
Le livre nous enseigne que pour restaurer un piano, il faut l'expertiser. Et que pour l'expertise il faut qu'il soit propre.
Donc j'ai entamé son nétoyage avec un aspirateur, un compresseur d'air et des chiffons sec ou légèrement humidifiés.

Voila la bête avant que d'attaquer son nétoyage:
la première chose a faire c'est de savoir de quoi on parle:
C'est un piano à queue mais lequel  ? Un pleyel... c'est comme le port salut c'est marqué dessus !


maintenant le livre nous dit que la longueur défini son type:
moins de 150cm c'est un "crapaud"
de 150 à 200cm c'est un "quart de queue"
et qu'un bon piano sonne bien à partir de 175cm (car il faut une longueur de corde mini pour que le son puisse se développer correctement)

la mesure au mètre à ruban nous donne 185 cm !

C'est donc déja un piano de marque PLEYEL, quart de queue qui possède deux attributs de qualités supposés: sa marque et sa taille !

Maintenant les dégâts:
J'estime à environ un verre d'eau le volume tombé sur son couvercle et sur celui du clavier.

des dégâts antérieurs sur le plaquage palissandre.

encore des dégâts mais toujours antérieurs à la tempête.
morceau cassé du couvercle
que je découvre à l'intérieur en ouvrant le couvercle.



encore des défauts de placage, beaucoup de morceau manquent et il va donc falloir trouver du palissandre pour réparer tout ça.

Je démonte le devant pour préparer la sortie de la mécanique en vu d'un nétoyage de fond en comble et pour vérifier si elle n'a pas pris l'eau.


Puis je rampe dessous pour vérifier l'état de la table d'harmonie qui est un assemblage de planche en sitka assez fines. Si quelques petites fentes ne sont pas grave, il ne faut pas qu'elles s'ouvrent ou que les barres de renfort qui tiennent la table par le travers soient décollées.



Tout à l'air correct, ce que j'ai pu vérifier par le sons des notes au clavier. Si les cordes correspondantes ne sont plus accordées, ou que dans les aigus il en manquent mêmes quelques unes (un piano à 1,2 ou trois cordes par note), elle fonctionnent toutes sans grésillement au niveau de la table d'harmonie.

Bref rien ne semble décollé à ci niveau là et c'est déjà une très bonne nouvelle ! On en saura plus quand j'aurais fait le ménage !

de retour en pleine lumière je regarde maintenant la partie supérieur de la table d'harmonie, le cadre et les cordes. L'ensemble est très sales, les cordes sont légèrement rouillées mais tout est à sa place, rien n'est décollé et même les feutres sont intègres.
A regarder les boucles des cordes je pense que plusieurs ont été changés au fils des années...

ça c'est récent et décollé !

encore du placage à refaire:


puis je tombe là dessus:

Ce numéro de série va être le début d'une enquête de "rat de bibliothèque" pour tenter de retracer l'histoire de cet instrument.
C'est une manie chez moi à chaque fois que je récupère un vieux truc de toujours chercher les évènements et les gens qui ont gravités autour !

Bonsoir
Encore une enquête qui va être complexe !
m'enfin, avec le n° de série tu as déjà trouvé l'année...manque plus qu'à rechercher les livres de comptes de la Société PLEYEL d'il y a 150 ans....

https://www.pianos-sibret.be/blog/numeros-serie-pianos-pleyel

Oui JP ! Regarde la suite:

je lâche donc mes chiffons et aspirateur et je me jette sur internet comme la misère sur le monde !

je tape: pleyel numéro de série...
je tombe sur un site qui me donne 1875-1876 comme année de fabrication.
je cherche plus précis... et je découvre les archives Pleyel aux archives du musée de la musique !

Il y a le cahier d'atelier et le cahier des ventes.
Après un quart d'heure de recherche dans les documents numérisés je tombe sur le grall !

le cahier d'atelier donne:
- la date de fabrication, le type de piano et sa finition.
- le nom des différents ouvriers ayant travaillé dessus avec la date de fin de travaux pour chaque discipline !
cassier, tableurs, monteur de cordes, ferreurs, vernisseurs, finisseurs, régleurs, égaliseurs !

et c'est pas fini !
j'ai la "sortie" de l'instrument avec:
la date, un nom (sans doute celui du revendeur ! ), la ville, le prix net, l'emballage et l'augmentation + les observations éventuelles !!!!
...

faut encore que je réunisse les différentes captures d'écran car le site ne permet pas un téléchargement global de la page du registre dans une résolution suffisante:


Donc maintenant on à un Pleyel quart de queue en palissandre dont la caisse a été entamée le 24 juin 1875 et l'instrument sortie de l'atelier le 25 octobre 1875... Livré à un certain G. Probst à Pau pour le prix de 1365 francs (si c'était des francs...) + 35 d'emballage ! Es ce le revendeur ? Pour le moment j'en sais rien car il existe aussi un livre des ventes !

ok...
On s'en va voir maintenant ce document
C'est plus difficile car les pianos ne sont pas vendu dans l'ordre... et surtout longtemps après leur fabrication !
il me faut 1h30 pour découvrir le pot aux roses !

C'est le 18 février 1886 (onze ans après sa fab ?!!)  que je découvre qu'il sort de chez Pleyel pour être vendu à M. Raoul de Cheverry, au 11 jardin royal à Toulouse
pour le prix de 2200 franc + une remise de 450 francs !
Il est payé le 13 février en espèces pour solde de 1750 Francs !



ça devient excitant ! Je lance mes recherches sur ce Raoul de Cheverry !
tout d'abord je cherche à connaitre sa date de naissance en tapant un peu au hasard sur l'état civil de Toulouse.
Bonne pioche ! Je le trouve bien à sa naissance en 1856


après c'est facile: Comme il est noble le premier site de généalogie  me sort illico son arbre:



l'arbre remontant ainsi qu'une recherche sur wikipedia m'apprendra qu'il descend d'une famille ancienne bien ancrée dans la région de Toulouse:
son ancêtre: Jean de Cheverry, marchand pastelier. Il est un des personnages influents de l'époque
le fils de celui ci, Jean de Cheverry également, finit trésorier général de France...

revenant à sa descendance j’essaie de trouver une correspondance avec la Bretagne !
et paf ! trois génération plus bas apparait le nom d'un breton mariée avec l'une des ptites fillotes de notre bonhomme ! Un certain Charles de Coatgoureden né en 1917 et mort en 2000 (sans descendance d'après le site !) Ces Coatgoureden est une famille bien connue dans les Côtes d'Armor !
Alors bien sur c'est p'être pas lui au final qui avait ce piano, mais je ne serais pas étonné qu'à sa mort et après la vente de ses biens et les déménagements, ce piano se soit retrouvé abandonné chez un déménageur qui en ayant marre qu'il encombre son entrepôt a fini par le balancer à la déchèterie !

On verra bien si j'arrive à en savoir plus sur son dernier propriétaire !!! Pour le moment revenons en à ce Raoul de Cheverry !

Je me lance maintenant sur le site de Gallica de la BNF, car question XIXème siècle c'est quand même une référence !
Et zou, les mots clefs renseigné il y a une dizaine de documents qui s'affichent:

le premier d'entre eux est "d'humour léger", daté du 24 mais 1913,  il concerne des courses de chevaux dont il est un des membres du jury ! Un noble qui s’intéresse aux canassons... quoi de plus banal !
Je vous laisse lire !


le suivant, il figure dans la liste des jurés pour la cours de haute Garonne en janvier 1897
celui ci est intéressant car il révèle qu'il est maire du village de Prunet

ce qui est confirmé par ses déplacements !



une autre confirmation de son gout pour les chevaux et un mariage !



du coup je suis allé visiter virtuellement la collégiale de Saint Gaudens !


sympa le mariage !

C'est tout pour aujourd'hui
à demain pour la suite de l’enquête...
Bonne soirée !

Bonjour
C'est passionnant !
Avec un peu de bol vous allez découvrir qu'un personnage illustre a joué sur ce piano.
Imaginez qu'un certain Bollée ait croisé sa route ! On peut rêver.

Bonsoir,

Assis devant mon écran, j'imagine la jubilation de notre ami Yanouch!
JJR24

Bonjour

Une nouvelle émission sur France Bleue BZH : Yanouch investigations....époustouflant et passionnant

Cdlt Gaby

JJR24 a écrit:Bonsoir,

Assis devant mon écran, j'imagine la jubilation de notre ami Yanouch!
JJR24

j'adore ce genre d'enquête où on tire le fil de l'histoire !
difficile quand il s'agit de gens sans importance (ce n'est pas péjoratif) mais quand on voit qu'il s'agit de personnalités de leur siècle dont même les déplacements font l'objet d'une rubrique ...! il n'y avait ni téléphone ni internet à l'époque, mais ces gens-là savaient déjà ce que faisaient leur amis de haut rang et où les trouver.
Quand je pense que mes parents ne sont jamais allés plus loin que Lyon... alors qu'ils sont arrivés bien plus tard...

bref ! continues de détricoter Yannouch ! c'est passionnant !
au moins tout autant que si tu jouais de ce piano.
A+
JP

Bonojur,

JP, je me faisais aussi un petit parallèle, avec un siècle d'écart, entre Yanouch qui fait une visite virtuelle du lieu du mariage, et cette rubrique étonnante dans le Hérald Tribune (une sorte de big brother en quelque sorte, mais sans caméras).

Merci pour la ballade !

Bonjour,

C'est une belle histoire en mettre en parallèle avec le musée de la ferme de Dinaou, dès fois que certains élus, ou certaines élues seraient sensible à la musique!?
JJR24

Bonsoir !

totalement coincé professionnellement en raison des fêtes de fin d'année qui approchent, j'ai pas trouvé de temps pour faire le rat de bibliothèque (virtuelle...)
Donc j'ai passé mon temps libre à avancer sur le nettoyage et l'expertise du piano.

Je commence par enlever la mécanique du clavier pour nettoyer la table et regarder l'état du sommier (là où sont plantés les chevilles qui tendent les cordes)... S'il a pris l'eau et qu'il est fendu c'est mort car il pourra se déformer sous la tension des cordes et les cordes n'arriveront pas à tenir l'accord ! L'autre problème possible c'est que le trou de cheville soit lâche et que la corde en question n'arrive pas à tenir l'accord au moins 6 mois (c'est la règle !)




Mais ne partons pas battu ! je n'ai pas vu de trace d'eau sur la table d'harmonie qui semble être en très bon état...

La voila posé sur mon blutoir, histoire de la vérifier !



Et je tombe sur ça : !!!

il y a le même texte sur une touche du clavier !



un nouveau nom... d'un autre propriétaire sans aucun doute,

Je lâche les clous et je me jette à nouveau sur internet pour trouver qui c'est...
mais ce coup ci c'est un bide ! Car je n'arrive pas à déchiffrer franchement le lieu dit.

Le nom pour moi c'est:
M. Besson

et la ville c'est
Agonac dans le 24...

une idée pour le reste ?
je pense à la Boissière... car c'est le seul lieu dit que me donne le moteur de recherche sur la ville d'argonac.

passablement énervé car n'arrivant pas à trouver des infos sur ce monsieur je retourne sur le piano nettoyer le clavier.

il y a quelques marteaux dans les aigus qui ont tendance à se bloquer en position haute quand ils sont soumis à une faible vitesse.
Mais ça ne m’inquiète pas trop car après quelques allés retour ça va déja mieux.

Je prend le temps de nettoyer chaque touche en la soulevant légèrement
puis je passe un bon coup d'aspirateur

Bilan: le clavier est en bon état: je le trouve un peu bruyant car les feutres sont usés et j'ai découvert qu'une touche a une fente dans le sens longitudinal. Mais à part ça rien n'a pris l'eau et tout fonctionne convenablement.

J'aurai dit comme toi après une rapide recherche, La Boissière A Agonac...

on se dirige vers la table pour inspecter le sommier et nettoyer la zone.
Ici non plus il n'y a pas eu d'eau...
Je suis soulagé car au moins par le dessous le sommier est impeccable.




Armé d'un clou et d'un chiffon je décolle toute la crasse et les débris dans les coins puis je passe un bon coup d'aspirateur.

Jinac a écrit:J'aurai dit comme toi après une rapide recherche, La Boissière A Agonac...

oui je pense que c'est ça... Je tenterai de contacter la mairie demain pour en savoir plus !
Je pense que c'est un ancien, car le terme "par" Agonac me fait penser à une vieille façon de s'exprimer...

il y a des signatures sur la table !
ce piano est un vrai roman !

celle de Pleyel... manuscrite... la classe !    (t’énerves pas yanouch... c'est peu être un tampon...   )



celle de la personne qui a fabriqué la caisse (à voir si je la retrouve dans le livre d'atelier Pleyel)



et enfin un tour d'horizon du haut du sommier , coté cheville. Pas d'eau, pas de fentes... C'est tout bon ! Restera plus qu'à vérifier si chaque cheville tient l'accord... Mais vu l'état de l'ensemble je prends le pari que oui !!!!  
du coup je frotte un peu les cordes pour enlever la rouille et faire briller le cuivre.

Bilan des courses: je suis maintenant convaincu que le peu d'eau qui lui est tombée dessus n'a fait que des dégâts légers sur le placage et le devant du meuble. La mécanique est restée bien protégée et n'a pas d'avarie. Elle n'est pas neuve, certes, et à besoin d'un gros nétoyage et réglage mais avec un peu de courage ce piano fonctionnera à nouveau !

après avoir remonté les pièces, j'attrape un chiffon humide et je nettoie maintenant tout le meuble recouverts d'une belle épaisseur de crasse et de cire.
et après avoir frotté une bonne heure:







Quelques déductions: Si le monsieur Besson a acheté ce piano à Raoul de Cheverry... c'est mort pour notre breton Coatgoureden !
et quand bien même il l'aurait racheté à notre breton, le type était dans le 24... et que ça ne me dit pas pourquoi je l'ai récupéré dans une déchetterie du 29 !
Et le mystère s’épaissit...

La bonne nouvelle c'est que le nom du revendeur Pleyel à Pau... a laissé une déscendance dans l'ameublement dans la même ville ! Reste plus qu'à les contacter pour savoir s'ils se souviennent que grand-papa était vendeur de Pleyel !!

Bonne soirée !

Captivant !...merci.

Bonsoir,

C'est ce que je lis aussi!
Oui, à une époque, on écrivait "par" pour indiquer l'adresse, en particulier quand il y avait des homonymes;
La famille Besson est connue par chez moi (j'ai eu un prof techno de ce nom!);
La Boissière,  j'y suis passé je pense, mais où? peut-être 1 château ou une grosse maison?

Je peux aller voir, mais où

La qualité de ce piano lui vaut son bon état!
JJR24

Quand tu remets la mécanique en place , n'oublies pas d'appuyer sur la pédale forté ( celle de droite) pour soulever les étouffoirs, çà évite souvent des problème si ces derniers sont mal réglés !!

Bonjour   Supposition :  Autrefois  bien souvent  dans l'adresse  ils utilisaient  :le nom du village  "par " le bureau postal de distribution  car parfois  le courrier d'un village était distribué par la poste du département voisin  (c'était comme ça chez moi quand j'étais gamin  , idem pour les premiers téléphones  )

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